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dotte, qui le refusa[1]. Nous ne connaissons aucun auteur français qui ait parlé d’un tel fait ; et nous en doutons, par cela même que, comptant sur la valeur de ses troupes pour assurer le succès de cette entreprise, le Premier Consul dut vouloir que ce fût un de ses proches qui en recueillît la gloire et le profit. Nous nous fondons à ce sujet sur les faits successivement accomplis en Europe même. M. Thiers assure, au contraire, que beaucoup de militaires demandèrent comme une faveur à aller à Saint-Domingue, la paix générale ayant été conclue. On conçoit, en effet, que des hommes habitués à faire la guerre, entrevoyaient un état presque insupportable dans le repos ; ensuite, partageant eux-mêmes la confiance et l’espoir d’un succès facile, ils devaient encore espérer de se créer des richesses immenses sur cette terre de Saint-Domingue qui en avait tant produit, pour en jouir plus tard en France, comme faisaient les colons dans l’ancien régime. Des alliances avec leurs filles ou leurs veuves en auraient encore procuré. Malenfant avoue qu’il donna ce conseil à des officiers réunis à Brest.

Un reproche, qui est probablement mal fondé et que nous croyons même injuste, a été fait au chef du gouvernement français. On a prétendu qu’il profita de cette circonstance pour envoyer dans l’expédition, principalement les officiers et les soldats qui avaient servi sous le général Moreau. Dans ses mémoires, Fouché l’en accuse, et divers autres auteurs ont répété cette accusation. Ordinairement, quand une entreprise ne réussit pas, chacun cherche à y trouver des motifs particuliers ; et si celle-ci eût eu le succès qu’on espérait généralement, cette accu-

  1. Histoire d’Haïti, t. 2, p. 131, — Voyage dans le Nord d’Haïti, p. 374.