Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une transformation dans les idées de la population indigène, qui voyait dans les Français, des libérateurs du joug despotique de l’ex-gouverneur.

Au fond, la résistance de T. Louverture n’était qu’une inconséquence à sa conduite antérieure, bien qu’on n’eût pas rempli envers lui ce que prescrivaient les égards qu’elle lui méritait. Après avoir vaincu Rigaud et son parti, il avait constitué Saint-Domingue comme une colonie dépendante de la France, avec la prétention de la gouverner ; en apprenant les préparatifs de l’expédition, il avait proclamé qu’il fallait recevoir les envoyés de la France avec le respect de la piété filiale ; et pour un manque de formes dans ses rapports avec le capitaine-général, il méconnaissait cette autorité envoyée par la France ! Certainement, on ne peut qu’admirer les efforts héroïques qu’il fit pour se maintenir au pouvoir ; mais avait-il un droit légitime pour y rester, quand la France avait décidé le contraire ? S’il eût triomphé, le sort de ses frères se serait-il amélioré, lorsque dans sa toute-puissance il l’avait empiré ?

Tout concourait donc à faire désirer qu’il fût vaincu ; et ceux qui contribuaient à ce résultat politique, comme Pétion, agissaient dans l’intérêt d’un avenir jusqu’alors inconnu, mais qui devait être préféré à l’état présent des choses.

Au surplus, quand T. Louverture et Dessalines faisaient canonner et bombarder Jacmel où se trouvait Pétion, en 1800, n’était-ce pas au nom de la France qu’ils agissaient ainsi ? En mars 1802, c’était aussi au nom de la France que Pétion bombardait la Crête-à-Pierrot : la colonie était française, militaires et citoyens étaient français ; ils ne pouvaient agir qu’en cette qualité. Mais,