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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/144

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que le citoyen Vilton vous a écrit de la part du général Hardy. Je tiendrai les promesses qui vous ont été faites ; mais, si vous avez intention de vous soumettre à la République, songez qu’un grand service, que vous pouvez lui rendre, serait de nous fournir les moyens de nous assurer de la personne du général Toussaint.

Leclerc. »

Il ne pouvait terminer cette lettre d’une manière plus honteuse. On conçoit que Leclerc ait voulu obtenir la défection de Christophe, pour annuler T. Louverture et le contraindre à la soumission ; mais on s’indigne contre cette proposition de livrer son chef à ses ennemis. Le général Leclerc eût-il été capable d’une action aussi basse ? Non, sans doute ; mais alors, pourquoi supposait-il Christophe susceptible d’un tel déshonneur ?

Le 20 avril, ce dernier répondit à la lettre de Vilton : il expliquait sa conduite depuis l’arrivée de l’expédition, fondée sur les craintes qu’il avait qu’elle ne fût venue que pour rétablir l’esclavage des noirs. « Sentinelle placée par mes concitoyens au poste où je dois veiller à la sûreté de leur liberté, plus chère pour eux que leur existence, j’ai dû les réveiller à l’approche du coup qui allait l’anéantir. » Sa lettre se terminait en demandant des garanties à ce sujet : « Il n’est point de sacrifices que je ne fasse pour la paix et pour le bonheur de mes concitoyens, si j’obtiens la conviction qu’ils seront tous libres et heureux.  »

On voit, par cette lettre, que Christophe séparait déjà la cause de T. Louverture personnellement de celle de la population noire : il se considère comme une sentinelle, non placée par l’ex-gouverneur, mais par cette population aux intérêts de laquelle il doit veiller. Il a dès-lors, et