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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/179

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choyé par celui-ci, lorsque Placide n’avait pas été admis à l’honneur de le voir, son inexpérience de jeune homme a pu être égale, en cette circonstance, à la confiance aveugle que T. Louverture avait toujours eue dans les colons et tous les blancs, jusqu’à l’arrivée de l’expédition.

Malgré le conseil que T. Louverture avoue, dans son mémoire, lui avoir été donné de quitter Beaumont, il y était resté : c’est qu’une lueur d’espérance était entrée dans son âme, et qu’il comptait, comme il le dit lui-même, sur la parole d’honneur de Leclerc et la protection du gouvernement français. La lettre qu’on va lire était faite pour lui inspirer de la confiance, à lui toujours si méfiant : il oublia alors, probablement, ce proverbe qu’il avait cité dans une occasion où tout souriait à son ambition : La méfiance est toujours la mère de toute sûreté. Voici la lettre de Leclerc :

Armée de Saint-Domingue.
Au quartier-général du Cap — Français, le 16 prairial an X de la République (5 juin).
Le général en chef, au général Toussaint.

Puisque vous persistez, citoyen général, à penser que le grand nombre de troupes qui se trouve à Ennery effraie les cultivateurs de cette paroisse, je charge le général Brunet de se concerter avec vous pour le placement d’une partie de ces troupes en arrière des Gonaïves et d’un détachement à Plaisance. Prévenez bien les cultivateurs que cette mesure une fois prise, je ferai punir ceux qui abandonneraient leurs habitations pour aller dans la montagne. Faites-moi connaître, aussitôt que cette mesure sera exécutée, les résultats qu’elle aura produits, parce que si les moyens de persuasion que vous emploierez ne réussissent pas, j’emploierai les moyens militaires.

Je vous salue, Leclerc.

Le même jour, Toussaint Louverture reçut du général Brunet celle qui suit :