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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/232

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si bien favorisé, a-t-il réellement suivi les meilleures voies pour parvenir à la haute position qu’il occupait dans son pays ?

Nous disons que non  ; car à nos yeux, le succès ne suffit pas pour légitimer la marche d’un homme vers le pouvoir suprême ; il ne saurait justifier les moyens qu’emploie un tel homme, s’ils sont visiblement en désaccord avec les principes de la morale. Nous considérons celle-ci bien au-dessus de ce que le vulgaire considère comme la politique. Nous l’avons déjà dit, d’après des esprits éminens : La base de la politique ou art social doit être l’honnête et le juste ; et cet art, par cette définition même, doit consister en préceptes, en pratiques dont la source est la morale. Tout ce qui est contraire à l’honnête et au juste est une violation de la morale ; et quel que soit le succès que l’on obtient, ce succès est impur. On a réussi, il est vrai ; mais on ne s’est pas conformé à la loi du devoir, on l’a violée, et tôt ou tard on subit la peine encourue pour un tel oubli de ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes.

Appliquons ces principes à la vie politique de Toussaint Louverture.

La condition malheureuse où il naquit, — celle de l’esclavage imposé à la race noire par la race blanche, — comporte avec elle des vices pour ainsi dire naturels : parmi eux, la dissimulation tient le premier rang, à raison de la sujétion de l’esclave envers son maître. Toussaint Louverture apprit à lire et à écrire de son parrain, Pierre Baptiste, un noir du Haut-du-Cap, qui, lui, avait été élevé à l’école des Jésuites établis anciennement au Cap. « Pierre Baptiste lui enseigna ce qu’il avait appris à l’école de ces missionnaires qui, en prêchant la morale