Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/277

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même que Larose, et Gange et Gilles Bambara dans les montagnes du Petit-Goave.

Cette soumission devait nécessairement nuire à la direction à laquelle prétendait Dessalines, dès qu’il se serait décidé à se mettre à la tête des indigènes contre les Français. Aussi, pour parvenir à triompher de la résistance qu’il trouva en Lamour Dérance et en ses subordonnés, lui a-t-il fallu le concours du dévouement éclairé de Pétion, lorsque celui-ci passa dans l’Ouest. Pétion réussit à l’y faire reconnaître comme le véritable et unique général en chef.

C’était, d’ailleurs, l’obligation imposée aux anciens chefs militaires de l’armée régulière, de reconnaître et de faire admettre par la population en armes, celui qui avait le plus haut grade dans cette armée, qui était connu par ses talens militaires et par son courage éprouvé. Nous les verrons tous comprendre leurs devoirs envers la patrie qu’ils fondèrent pour la race noire ; et ils furent d’autant plus méritans envers elle, que Lamour Dérance, de même que les chefs de bandes dans le Nord, répugnaient à reconnaître aucune supériorité, non-seulement dans les mulâtres, mais même dans les noirs qui n’étaient pas nés comme eux en Afrique. Tout créole, à leurs yeux, était indigne de commander en chef.

Sous un certain rapport, on doit excuser ces hommes ignorans ; car, tandis qu’ils se levaient partout contre les Français, les chefs et les troupes coloniales servaient d’auxiliaires à ceux-ci et les traquaient dans les bois, sans qu’ils pussent comprendre leurs motifs secrets. L’initiative de la résistance à l’oppression européenne leur étant due, il était naturel qu’ils eussent cette ambitieuse prétention. Mais, il est évident que chacun d’eux voulant