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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/304

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en imposa par son attitude. Clervaux et Pétion surtout réussirent à calmer ces barbares, en leur démontrant que le temps des rancunes était passé, qu’il fallait unir leurs efforts contre l’ennemi commun qui ne manquerait pas de profiter de leurs divisions : ces paroles sensées furent comprises. Le Cap fut cerné de tous côtés, et Christophe agit contre la Petite-Anse qu’il bloqua aussi.

Au moment de l’attaque du Haut-du-Cap, ou alors que les Français étaient repoussés de ce point, on se livra à bord des navires de guerre à un acte affreux : les 1200 hommes de la 6e furent tous noyés, et Jacques Clervaux subit aussi le même sort ou fut poignardé.

Examinons comment P. de Lacroix relate ce fait horrible :

« Dans un écart produit par le sentiment de la faiblesse, la terreur de succomber sous le poids du nombre fit recourir, à bord des bâtimens, à une mesure atroce dont le général Leclerc avait repoussé l’idée avec horreur, en apprenant l’exécution qu’on s’en était déjà permise dans l’Ouest… Les équipages étaient tellement affaiblis ou encombrés de malades, que la vue de ces détachemens noirs, bien plus nombreux qu’eux, les fit frémir. Ce ne fut qu’un cri de terreur au moment où les insurgés replièrent nos troupes du Haut-du-Cap ; on crut à bord tout perdu. Dans un premier mouvement de terreur, le sentiment de la conservation fit retentir la rade de ce cri du désespoir : — « Tuons ce qui peut nous tuer. Les droits de l’humanité furent impitoyablement outragés. Dans la cruelle alternative d’être dévorés par des tigres, les matelots le devinrent eux-mêmes. Les flots engloutirent en un instant mille à douze cents malheureux qu’un sort parti-