Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/361

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leurs victimes ; mais l’esprit, les idées de ces martyrs leur survivent ![1]

À Saint-Louis, vingt-deux officiers noirs et mulâtres, parmi lesquels était Lefranc, cet ancien colonel sous Rigaud, avaient été embarques sur la frégate la Clorinde mouillée dans la rade : ce navire était commandé par un digne Français nommé Lebozec. Berger y envoya un de ses infâmes exécuteurs, Kerpoisson, lieutenant de port aux Cayes, avec ordre « de prendre les dix-neuf prisonniers qui doivent se trouver sur la frégate et de les noyer. » Lebozec ne voyant pas portés les noms de ceux qu’il était tenu de livrer d’après cet ordre, oppose cette fin de non-recevoir à Kerpoisson : « J’ai reçu 22 prisonniers et non pas 19 ; lesquels demandez-vous ? — « Tous, répond le bourreau, et surtout Lefranc. — Je ne suis pas un bourreau ; je ne me joue pas de la vie de mes semblables. Allez prendre de nouveaux ordres qui m’indiquent les personnes qu’on demande, et je vous les remettrai. Quant à Lefranc, il est ici par les ordres du général Laplume, et je ne le remettrai qu’à son ordre. »[2]

Kerpoisson s’empressa de retourner aux Cayes pour faire son rapport : un nouvel ordre lui fut donné pour prendre les 22 prisonniers, y compris Lefranc ; Laplume céda à ce que voulait Berger. Cette fois, Lebozec ne pouvait refuser, et ces hommes furent tous noyés.

La tentative infructueuse de Cangé au Pont-de-Miragoane avait porté Laplume et Néret à renforcer la garnison de ce bourg pour s’opposer à une nouvelle irruption des insurgés de l’Ouest dans le Sud. Un homme de

  1. Braquehais était aide de camp de Martial Besse en 1797.
  2. Mémoires de Boisrond Tonnerre.