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Romain, Christophe et Clervaux, dans la nuit du 18 au 19, en même temps que Vincent Louis et Gardel descendaient à la Tortue, le contraignit à y rester encore quelques semaines.

On conçoit que ces divers faits des indigènes portèrent sa férocité à son paroxisme. Ce fut alors qu’arriva au Cap la première cargaison de chiens expédiés de la Havane par Noailles. Bien que ces animaux fussent destinés originairement à flairer les indigènes, dans les sorties qu’on faisait contre eux, pour découvrir surtout les nombreuses embuscades qu’ils tendaient à leurs ennemis, Rochambeau ne put résister à une autre idée que lui suggéra sa barbarie : c’était d’essayer la voracité des chiens sur les indigènes. S’il réussissait à en faire dévorer tout vivans, l’utilité de ces dogues serait mieux appréciée, puisqu’ils serviraient à deux fins : par là, le haut prix auquel Noailles les avait portés serait justifié.

Dans ce but atroce, Rochambeau fît dresser un cirque dans l’avant-cour du couvent des jésuites, qui avait été longtemps le palais du gouvernement. Ce couvent, on le sait, était situé tout près de la place d’armes et de l’église du Cap, — de ce temple où les chants de la religion catholique louaient Dieu, créateur et père de tous les hommes, quelle que soit leur couleur. C’est là qu’un poteau, placé au milieu du cirque, servit à attacher un homme noir destiné à la pâture des chiens. Pour mieux exciter ces animaux, on les fit jeûner plusieurs jours.

Au jour et à l’heure fixée pour le spectacle, on vit le capitaine-général Rochambeau, entouré d’un nombreux état-major, suivi de tous les colons, hommes et femmes rentrer dans le cirque et se placer sur les gradins de l’amphithéâtre.

Mais on remarqua l’absence des généraux Clauzel,