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Ces mesures capricieuses, jointes aux autres actes de despotisme sauvage de la part du capitaine-général, portèrent alors les généraux Clauzel et Thouvenot à concevoir le projet de l’arrêter et de le déporter en France, pour débarrasser la colonie expirante d’un chef qui méritait si peu de la gouverner. Sans nul doute, il ne leur appartenait pas d’être juges de cette autorité que le gouvernement de la métropole y avait placée ; mais, dans leurs sentimens honnêtes et humains, ils croyaient devoir prendre sur eux cette responsabilité, avec l’espoir de la justifier par des mesures qui eussent rapproché des Français, les indigènes en armes : ils se trompaient encore sur ce point, le sort en était jeté !

Clauzel s’en ouvrit au préfet Magnytot, le 25 août. Depuis un mois que ce fonctionnaire était arrivé au Cap, il paraissait entièrement disposé à ne suivre que les lois, à porter chacun à les observer, par conséquent à respecter les droits de tous. Ce fut le motif de la confiance qu’eut Clauzel en lui, qui était le premier agent civil dans la colonie. Mais Magnytot, après avoir paru se prêter à ce projet pour le connaître à fond, dénonça Clauzel et Thouvenot à Rochambeau qui les fit arrêter et embarquer sur un navire. Il agit avec beaucoup de vigueur et maintint l’armée dans la subordination, malgré l’estime dont jouissaient ces deux généraux. Claparède fut suspecté de connivence avec eux ; mais il ne fut pas déporté pour le moment. Le général Lapoype, qui était alors au Môle, fut nommé commandant de la division du Nord, et appelé au Cap, d’où Noailles alla le remplacer. J. Boyé fut nommé chef de l’état-major de l’armée.

Clauzel et Thouvenot ne purent partir que le 13 septembre : ils se rendirent à la Havane, et de-là aux États-Unis.