Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mesure non moins blâmable, en faisant venir sur la place publique, entourée de ses soldats, tous les habitans sans distinction de sexe ni d’âge, pour les passer en revue, comme cela se pratiquait souvent du temps de T. Louverture[1]. La plupart des femmes étaient entièrement nues ; elles furent exposées à la risée des troupes, sans ménagement pour la pudeur de ce sexe, puis renvoyées à leurs demeures dévalisées. L’adjudant-général Bazelais, qui se dévouait au salut de son pays, eut la douleur de reconnaître sa mère parmi ces infortunées : il s’empressa de la soustraire à ces humiliations.

En cette circonstance, Dessalines fut aussi coupable que Gabart. Ce dernier n’était qu’un soldat toujours porté à tous les excès ; mais le général en chef ne comprit pas mieux que lui, ce que prescrivait son devoir envers les malheureux qu’il délivrait du joug des Français.

Pendant que Gabart entrait à Saint-Marc, Cangé et Magloire Ambroise pressaient le siège de Jacmel ; ils avaient acheté quelques munitions d’une corvette anglaise qui était venue dans ces parages. Il n’était pas facile d’enlever cette place, bien défendue par le général Pageot et Dieudonné Jambon. La corvette française la Vigilante et deux goëlettes étaient dans le port. Mais la famine concourant avec les efforts des indigènes, Pageot finit par conclure avec eux un armistice qui lui permit de s’embarquer avec la garnison, le 17 septembre : il se rendit à Santo-Domingo.

Le jour même de leur départ, Cangé et Magloire Am-

  1. On raconte que, dans une de ces revues fréquentes, Dessalines fit couper par ses soldats les longues queues des robes que portaient les femmes noires et jaunes de Saint-Marc, en disant qu’un tel vêtement nuisait au travail. En cela, il avait parfaitement raison.