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Tandis que les Anglais témoignaient ainsi leur sollicitude pour les soldats atteints par la maladie, en s’honorant comme nation civilisée, Dessalines, il faut le dire, souillait son triomphe éclatant par la violation de ses promesses récidivées, par la violation des conventions prises sous sa propre signature.

Trois jours étaient à peine écoulés depuis le départ des bâtimens français, quand il ordonna que les blessés et les malades laissés au Cap fussent embarqués pendant la nuit. On les trompa en leur disant sans doute qu’ils allaient être envoyés à la Tortue, puisqu’ils furent placés dans des chaloupes. Mais, dans le canal entre cette île et le Port-de-Paix, ces infortunés militaires furent tous sacrifiés au nombre de près de 800.

On ne peut trouver aucune excuse pour un tel crime. Comment Dessalines ne s’est-il pas ressouvenu des paroles consignées dans la lettre du commandant de Breda, concernant les militaires français, et surtout qu’il s’était engagé de bonne foi à protéger les blessés et les malades ?

Vainement a-t-il dit ensuite, dans le journal de la campagne du Nord :

« Que la France compare maintenant le traité de capitulation que j’ai signé, à celui fait entre les généraux Toussaint Louverture et Leclerc, mais violé par ce dernier, parce qu’il était le plus fort.  »

Si, à ses yeux comme aux yeux de tout homme dégagé de passions, le général Leclerc eut tort de violer ses promesses, ses conventions, il n’a pas eu moins tort lui-même de violer celles qu’il avait faites et signées. Quand on se plaint d’un fait de son ennemi, on ne doit pas l’imiter.