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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/60

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quelque puissance, que serait-ce lorsque lui et les siens « n’en auraient plus ?[1]. »

Si tels furent les motifs qu’il allégua pour justifier sa résistance aux yeux de ses enfans, T. Louverture se présentait donc comme étant le chef d’un parti politique, de celui des noirs, dont il se croyait appelé à sauvegarder la liberté, menacée par l’expédition française. Car, autrement, sa résistance eût été illégitime, contraire à l’obéissance qu’il devait aux ordres de la France. Dans ce cas, sa position à l’égard de Leclerc n’était-elle pas semblable à celle de Rigaud envers lui, en 1799 ? Rigaud, chef d’un parti politique, avait donc pu résister à ses ordres, afin de sauvegarder aussi les hommes de son parti.

Quoi qu’il en soit, il est constant qu’Isaac ne fut pas plus touché du dévouement que montra la garde d’honneur que de celui de Placide : il persista dans son idée de rester au moins neutre entre son père représentant les noirs, et Leclerc représentant les blancs. Nous respectons trop les convictions des hommes, pour nous permettre la moindre censure sur sa conduite en cette circonstance. Quoique fils de T. Louverture, il ne conservait pas moins le droit de choisir entre la France et lui. Probablement, les paroles du Premier Consul l’avaient convaincu que son gouvernement ne se proposait pas de rétablir l’esclavage des noirs.

Mais toutefois, sa détermination nous fournit une nouvelle occasion de soutenir le droit qu’avaient Pétion, Du-

  1. Nous doutons qu’il ait mentionné ni Rigaud ni les autres officiers de couleur ; A. Chanlatte n’était pas de l’expédition. Voyez au chap. IV ci-après, ce que nous disons de son abstention à récriminer contre aucun d’eux, et les paroles qu’Isaac rapporte de fui à propos de Rigaud. P. de Lacroix brode souvent dans ses Mémoires.