Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/138

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son pays ; car il y a toujours parité de position entre la défense et l’attaque.

Bien renseigné sur la situation des lieux et sur les hommes qui y exerçaient de l’influence, le gouvernement français dirigea Ducondray dans le Sud où se trouvaient Geffrard et la plupart des anciens officiers de Rigaud : il arriva aux Cayes. Mentor fut dirigé dans le Nord où il avait servi sous Sonthonax, où il était connu de Dessalines, de H. Christophe et des autres officiers noirs : il devait se rendre au Cap.

Ducoudray n’était pas aussi fin que Mentor, et d’ailleurs, la mission était délicate. Inconnu au pays, ne connaissant pas lui-même les hommes auxquels il devait s’adresser, ne pouvant s’imaginer à quel point ils avaient été éclairés par la désastreuse guerre civile du Sud, ni quelle antipathie pour la France avait succédé dans leurs cœurs à l’enthousiasme, au dévouement que cette ancienne métropole leur avait jadis inspirés, Ducoudray montra le défaut de la cuirasse dès ses premières paroles. Le général Geffrard, remplissant son devoir d’Haïtien et de fonctionnaire public, le fit arrêter immédiatement et l’envoya sous bonne escorte aux Gonaïves, en le dénonçant à Dessalines comme espion français. Jeté dans les cachots de Marchand, où avait péri Lamour Dérance, où venaient de périr Petit-Noël Prieur et d’autres anciens Congos du Nord qui avaient fait leur soumission ; Ducoudray y subit, pour la forme, une instruction dans laquelle il eut néanmoins le courage d’avouer l’objet de sa mission et de protester de son dévouement envers la France qui, disait-il, ne renoncerait jamais à Saint-Domingue. Il fut exécuté, comme il méritait de l’être, pour avoir accepté cette infâme mission.