Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/231

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que jour plus hostile ; il tenait sans cesse des propos malveillans sur ce général qui était son chef immédiat. Sachant cela, Pétion se gardait contre sa perfidie, parce qu’il dut supposer avec raison, que Germain avait reçu des instructions spéciales de l’empereur pour agir ainsi. Les officiers de son état-major se faisaient un devoir de coucher le plus souvent chez lui, pour être à même de le défendre s’il y avait lieu. On a même dit qu’il lui arrivait parfois de changer de chambre dans la vaste maison qu’il occupait ; mais on ne peut raisonnablement ajouter foi à de tels bruits, quand on se rappelle le courage flegmatique de Pétion en tant de circonstances.

Ce qui est certain, c’est qu’il s’étudia à laisser faire le colonel Germain, à ne pas user de son autorité supérieure pour réfréner ses actes de brutal despotisme, soit envers les particuliers, soit envers les militaires : il se persuadait que par là, Germain se perdrait. On ne peut blâmer cette conduite de Pétion, en considérant que celle du commandant de l’arrondissement du Port-au-Prince était le résultat du système irréfléchi du gouvernement impérial.

À cette époque, Pétion s’occupait presque exclusivement de la construction d’une petite goëlette qu’il nomma l’Indien, construction où il dirigeait lui-même les divers ouvriers, par ses connaissances. Ingénieur militaire, il était aussi ingénieur de marine et civil, comme il était bon artilleur.

Habituellement vêtu d’une redingote, ne portant qu’un chapeau rond, excepté quand il se présentait devant les troupes avec le seul costume militaire de colonel, il se faisait ainsi plus citoyen que général[1]. Presque toujours

  1. Au théâtre du Port-au-Prince, il se plaçait toujours au parterre, bien