Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/236

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rappela encore à ceux qu’il avait appelés dans sa chambre, que Geffrard et Pétion avaient contrarié la vengeance nationale, en usant de leur autorité dans le Sud et dans l’Ouest pour sauver la vie à une infinité de Français, hommes et femmes, en leur procurant la facilité de s’évader ; qu’en outre, ils contrariaient son gouvernement, son administration, en ne mettant pas dans l’exécution de ses ordres, la sévérité qu’il jugeait nécessaire au bonheur du pays, à la sécurité de l’indépendance. Enfin, il leur dit qu’il avait résolu de faire mourir, cette nuit même, Geffrard et Pétion ; que cette immolation était indispensable à la sûreté du peuple haïtien.

Dans le chapitre précédent, nous avons fait remarquer comment Dessalines avait pu concevoir des préventions contre les hommes de l’ancien parti de Rigaud, par suite des diverses particularités qu’il rappela aux officiers qui l’écoutaient ; et nous avons même admis que tout autre chef plus éclairé que lui eût pu en concevoir : impartial envers tous, nous ne savons pas dissimuler tout ce que l’histoire peut envisager comme circonstances atténuantes pour les crimes les plus horribles. Néanmoins, il n’y avait là que des préventions, et non des preuves pour former une conviction ; il y avait de plus, des faits, une conduite patriotique de la part de Pétion et de Geffrard, qui devaient être examinés par Dessalines et qui auraient détruit ces préventions. Cette conduite, ces faits se rattachaient à leur coopération, à leur initiative dans la guerre de l’indépendance, au dévouement qu’ils lui avaient montré en ralliant à son autorité les hommes de leur ancien parti politique, en la secondant de toute leur influence, même sur l’esprit de ceux du vieux parti contraire.