Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/24

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Mais les colons français, dont les préjugés séculaires étaient entretenus par une insatiable avidité, ne pouvant se résoudre à subir le nouvel ordre de choses survenu en faveur de la classe intermédiaire, par leurs propres fautes et leur égoïsme ; prévoyant en outre les conséquences qui ne pouvaient manquer d’en résulter, ils se réunirent tous alors et se révoltèrent contre la France. Ils firent plus : oubliant ce qu’ils devaient à leur patrie, ils eurent l’indignité d’appeler à l’aide de leurs privilèges anéantis, des puissances rivales pour s’emparer de ses possessions et les lui ravir. À Saint-Domingue surtout, cette infâme trahison réussit au gré de leurs coupables désirs.

La sûreté de cette colonie était trop compromise, pour ne pas amener une de ces résolutions subites devant lesquelles la raison d’État ne saurait reculer. Les agents de la France, interprétant d’ailleurs sa déclaration des droits de l’homme dans toute sa sincérité, se virent forcés de proclamer la liberté générale des esclaves pour sauver cette possession.

La France elle-même, convaincue alors de la perfidie de ses colons de toutes nuances d’opinions, et qu’elle ne pouvait plus résister au torrent des faits, accomplis sous l’impulsion des idées et des principes qu’elle avait proclamés, décréta solennellement les droits de tous les hommes de la race noire à la liberté et à l’égalité civile et politique. Elle les comprit tous au nombre de ses enfans, de ses citoyens.

Quoiqu’elle fût entraînée, par des circonstances extraordinaires, à cette mesure réparatrice de tant de crimes, ce ne fut pas moins un beau spectacle donné au monde le jour où, par l’organe de sa Convention nationale, la France appliquait ainsi, en faveur des opprimés de ses