Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/250

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Ensuite, en quoi pouvait donc consister cette prétendue rivalité entre les Haïtiens de couleur noire et ceux de couleur jaune, lorsque tous étaient admis, sans distinction, à exercer les mêmes droits, à occuper les fonctions publiques, lorsque tous s’étaient réunis pour arriver à l’indépendance du pays ? Dans cette lutte, il n’y eut que des émules parmi eux, et non des rivaux ; et jamais les Haïtiens ne furent plus unis que sous Dessalines : ils le prouvèrent bien en octobre suivant ! Mais ce chef, en prononçant les paroles qui lui sont attribuées, à propos des propriétés des colons, ne s’exposait-il pas, contre son intention, à les désunir, à animer les uns contre les autres ?

Conclure de quelques petits faits imputables à des individus, que les noirs et les mulâtres, en général, étaient en rivalité, c’est encore une erreur, selon nous ; c’est encore égarer le jugement de nos lecteurs. Des blancs peuvent être rivaux sans que tous le soient entre eux ; des noirs aussi, des mulâtres également : pourquoi donc ne serait-il pas possible que des noirs et des mulâtres fussent rivaux ? Mais il ne faut pas généraliser ; car ce serait prétendre que des hommes de couleur différente sont nécessairement, fatalement rivaux, à cause de cette différence de couleur.

Pour appuyer cette assertion, M. Madiou cite deux faits :

    pour faire une sorte d’enquête sur la situation morale et politique du pays, à cause des appréciations présentées au Parlement par C. Mackensie, consul de S. M. B. qui y était venu en 1826. Parmi les questions qui furent posées à M. R. Hill, on voit celle-ci :

    « De la population entière de l’île ; son état et ses progrès ; des différentes classes de la population ; le nombre et l’importance de ces classes ; résultat des recensemens. »

    Mais on ne voit pas une seule fois dans ces questions, le mot de castes : les abolitionistes savaient qu’il n’en existait pas de distinctes en Haïti.