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un produit d’exportation, non-seulement pour faire produire les autres denrées, mais parce que la plus grande partie des propriétés rurales appartenaient aux domaines de l’Etat, et qu’étant affermées aux chefs, les cultivateurs trouvaient dans l’exploitation du campêche, un moyen de se soustraire à leur autorité, quand ils ne faisaient pas eux-mêmes couper ce bois. Or, les cultivateurs étant contraints de rentrer et de travailler sur les anciennes habitations auxquelles ils avaient jadis appartenu, ils contrariaient le système agricole de l’empire sous ces deux rapports. Les particuliers propriétaires, les autorités militaires, mécontens eux-mêmes du gouvernement, n’observaient pas la défense faite à ce sujet par l’arrêté de 1804 ; ils facilitaient les cultivateurs qui, seuls, faisaient la coupe du campêche, parce que, d’un autre côté, ils en avaient besoin pour d’autres travaux.

Néanmoins, c’est une chose curieuse à observer, comment les cultivateurs s’ingéniaient à trouver le moyen d’acquérir leur indépendance personnelle, de l’autorité trop arbitraire de ces temps déjà reculés. Sous Toussaint Louverture, ils imaginèrent de s’associer pour acheter de petites portions de terre, où ils s’établissaient à l’abri des colons et des chefs militaires fermiers des biens séquestrés. Sous Dessalines, ce fut dans la coupe du bois de campêche qu’ils arrivaient en bien des endroits, à se soustraire aux seuls fermiers des biens du domaine, les colons n’existant plus. Il a fallu que Pétion arrivât au gouvernement du pays, pour satisfaire à ce besoin social, à ce légitime désir de l’homme, par la distribution des terres[1].

On rapporte que Dessalines, en faisant brûler les tas de

  1. Dans le volume suivant, on verra la divergence de ses vues à ce sujet, avec celles du Sénat qui se cramponnait au vieux passé colonial.