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La force devait inévitablement entraîner les crimes auxquels se livrèrent des hommes injustes, imbus des préjugés absurdes nés du régime colonial qu’il s’agissait de rétablir dans toute sa violence. C’est surtout à cette mesure inique, criminelle envers l’humanité, qu’il faut attribuer ces horreurs ; et la France ne pouvait que perdre dans son estime, en la décrétant, en employant sa puissance pour en assurer le succès.

Quelle qu’ait été l’erreur, ou quel que fût l’entraînement de ce génie si remarquable, reconnaissons aussi qu’il n’appartenait qu’à une grande âme, rendue au calme de la réflexion, de convenir d’une telle faute à la face du monde et de la postérité. Plus capable que qui que ce soit d’apprécier la valeur, l’honneur et la dignité, même dans ses ennemis, cet illustre capitaine a ainsi rendu justice aux efforts héroïques des hommes de la race noire qui combattirent à Saint-Domingue, pour conserver leur liberté qu’ils tenaient de Dieu, et à laquelle la France avait rendu hommage.

Par ses mémorables paroles, il a en quelque sorte posé lui-même les bases d’une réconciliation entre elle et son ancienne colonie ; car il arrive toujours un moment où les peuples doivent étouffer entre eux leur ressentiment mutuel[1].

Aujourd’hui que de longues années ont cimenté cette franche réconciliation, et que les bienfaits de la liberté ont été répandus également dans la plupart des Antilles, ne doit-on pas reconnaître que c’est par la malheureuse condition de la race noire dans l’esclavage, que la divine

  1. Napoléon fit encore plus en faveur de cette réconciliation et de la cause des Haïtiens, le jour où il décréta l’abolition de la traite des Noirs. Il nous sera facile de le démontrer.