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mixtion, en dernier lieu, des tribunaux civils dans cette matière, constituait un conflit entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif ; il déplut au gouvernement, parce qu’il est probable que des actes irréguliers furent admis par les tribunaux. Cela pouvait d’autant mieux arriver que l’administration elle-même en avait admis, soit par ignorance, soit par corruption des fonctionnaires.

C’est ce qui motiva l’appel d’Inginac aux Cayes. Comme il ne manquait pas de capacité, et qu’il était incorruptible, son zèle dans l’Ouest, joint à un caractère absolu et à des formes quelquefois brutales, dans cette époque de sa jeunesse (il faut le dire pour la vérité historique), l’avait fait distinguer par Dessalines qui avait bien et ce caractère et ces formes aussi. On conçoit alors que, menacé d’abord de la décapitation, puis fait grand de l’empire (d’après ses propres notes historiques), il se crut obligé d’aller à bras raccourci dans l’opération de la vérification des titres de propriété, comme il avait fait dans celle relative aux finances.

Or, si des particuliers avaient profité de faux actes simulés par des colons fuyant la proscription, pour se prétendre propriétaires de biens qui revenaient aux domaines publics, il faut reconnaître aussi qu’après tant de troubles, d’incendies, de révolutions dans le pays, il devait s’en trouver qui étaient démunis de leurs titres, qui n’avaient que des actes d’enquête à exhiber pour prouver leurs droits par une ancienne possession. Dans la formation de ces actes, il a pu se présenter encore de fausses attestations : delà la propension naturelle de l’administration à douter de tous, parce qu’avec son esprit fiscal, commun à toutes les administrations, elle devait vouloir tout retenir pour l’Etat.