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aucun des officiers dépositaires de son secret n’eût osé concevoir l’idée de s’en faire le chef après cet événement, comme aucun ne trahit la mémoire de l’infortuné général quand l’empereur vint aux Cayes. Moreau, qui avait éventé ce projet, ne put lui en fournir les preuves qu’il croyait exister dans les papiers de Geffrard. Mais il n’en fut que plus exécré, et par les conjurés et par la population, à cause de ses délations antérieures connues de tous et de celles récentes qui n’avaient abouti à rien. La conduite tenue par l’empereur, aux Cayes et dans tout le Sud, durant sa présence dans ce département, fit naître des haines particulières qui ravivèrent celle qui existait contre lui sous le règne de Toussaint Louverture : il y occasionna un mécontentement général par ses procédés, par toutes ses mesures violentes à l’égard des guildives et des autres propriétés.

Après son départ des Cayes, le général Moreau, revêtu du commandement de la 1re division du Sud, orgueilleux de cette position et de l’estime de l’empereur, se crut d’autant plus autorisé à agir sans ménagement envers ses administrés : par ordre de l’empereur, il fit incorporer dans les troupes de la garnison bien des jeunes gens de famille, comme l’empereur lui-même le fit faire au Port-au-Prince sans même en excepter des employés de l’administration des domaines qui relevaient d’Inginac[1]. L’irritation s’accrut contre Moreau, qui avait déjà encouru le mécontentement des officiers des corps qu’il désigna à Dessalines comme ayant été dévoués à Geffrard, et qui furent ou renvoyés ou placés dans d’autres ; leurs soldats

  1. Voyez la lettre de G. Roux, employé aux bureaux des domaines du Port-au-Prince, adressée à Inginac le 26 septembre, dans l’Hist. d’Haïti, t. 3, p. 290.