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Prince. Ces troupes s’y rendirent, la tête ceinte des lauriers de la victoire qu’elles avaient cueillis au champ d’honneur : leur marche fut triomphale, et partout elles reçurent les bénédictions des populations accourues sur leur passage.

Le général en chef ne tarda pas lui-même à se transporter aux Gonaïves, d’où il envoya l’ordre à tous les généraux de l’armée de s’y rendre aussi, afin de délibérer avec lui sur la forme de la grande mesure qui allait être proclamée. À la fin de décembre, ils y étaient tous, et avec eux les adjudans-généraux de leurs divisions et d’autres officiers secondaires[1].

Les traditions nationales ne font pas savoir, par quel motif la ville des Gonaïves fut choisie pour être le lieu où l’acte d’indépendance dut être rédigé et signé. Ce fut probablement à cause de sa position à peu près centrale, à proximité des habitations Laville et Marchand, où Dessalines avait déjà fait tracer des fortifications destinées à protéger une ville qu’il comptait y fonder ; peut-être aussi, en souvenir de ce que les Gonaïves avaient été la première place conquise par lui sur les Français. Quoi qu’il en soit, il est digne de remarque que ce fut là que le Premier des Noirs a été embarqué, pour aller finir ses jours misérablement en France, après avoir prophétisé le triomphe inévitable de la liberté de ses frères : là même, ils justifiaient la prévision de son génie.

Une idée, émise on ne sait non plus par qui le premier, avait réuni tous les suffrages : c’était de restituer à l’île entière, qui devait former le nouvel État, le nom qu’elle

  1. Après la prise du Cap, Bazelais et Magloire Ambroise avaient été promus au grade de général de brigade, ce dernier commandant l’arrondissement de Jacmel.