de leurs sentimens intimes. Mais qui, parmi eux, pouvait émettre une opinion modérée, lorsque le dictateur s’était ainsi prononcé ? Il faut se reporter par la pensée à cette époque de violence et de vengeance, pour comprendre la funeste influence qu’avaient dû exercer sur les esprits, les crimes commis en 1802 et 1803. Sans doute, dans la sévérité de son jugement, fondé sur le respect qu’on doit à la vie des hommes, l’histoire doit blâmer Boisrond Tonnerre d’avoir ainsi excité la fureur de Dessalines ; mais l’équité exige aussi de reconnaître qu’il n’avait fait qu’interpréter en termes sanglans, la pensée intime de son chef et de beaucoup d’autres de ses contemporains. La vengeance, l’oubli des promesses les plus sacrées, contractées par convention écrite et volontaire, étaient à l’ordre du jour ; de nombreuses victimes avaient été déjà sacrifiées au Cap, par ordre du chef qui avait signé ces actes : à lui surtout, à sa mémoire d’en supporter la responsabilité, — comme à la mémoire des ennemis qui ont provoqué ces fureurs, de répondre devant l’histoire de l’énormité de leurs crimes.
Boisrond Tonnerre se mit à l’œuvre et passa la nuit à écrire les actes que nécessitait la circonstance, afin d’être prêt pour la cérémonie du lendemain. On doit en juger ainsi, puisque les pièces préparées d’abord par Charéron n’ont pas été conservées.
Cette auguste cérémonie, essentiellement militaire, réunit sur la place d’armes des Gonaïves les troupes de divers corps, la population de la ville et celle des campagnes environnantes qui, à pareil jour dans le pays, sont toujours sur pied pour célébrer la fête religieuse de la Circoncision. Une affluence extraordinaire s’y remarquait, par le motif exceptionnel qui l’attirait.