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Au quartier général de Milot, le 23 octobre 1806, an IIIe
de l’indépendance.
Henry Christophe, général en chef de l’armée d’Haïti,
Au général Gérin, ministre de la guerre.
Mon cher général,

Vos lettres, sous les dates des 12 et 18 du courant, qui accompagnent la déclaration rédigée au nom des trois divisions de l’armée, que vous m’avez adressées, viennent de me parvenir. L’événement tragique qu’elles m’annoncent, et qu’une cruelle nécessité a amené, m’afflige. Jamais l’orgueil et l’ambition des emplois ne m’ont dominé, vous le savez ; le bonheur de mes concitoyens a toujours été mon unique désir. Effrayé du fardeau que le vœu unanime de mes frères m’impose, en me confiant les rênes du gouvernement, ce ne serait qu’avec peine que je l’accepterais, si je n’étais intimement convaincu que vos lumières et vos conseils viendront toujours à mon secours dans les cas urgens.

J’accepte donc cet emploi aussi honorable que pénible et difficile. Faites connaître ces sentimens à l’armée ; assurez-la que le sort du soldat a toujours été et sera toujours l’objet principal de ma plus vive sollicitude.

J’approuve les mesures sages que vous avez prises, dès qu’elles étaient nécessaires, particulièrement pour maintenir le bon ordre et pour procurer aux deux divisions du Sud et à la seconde de l’Ouest, les moyens d’habillement et de paiement dont elles avaient tant besoin : j’en ai usé ainsi pour le Nord et la première division de l’Ouest.

Pour parvenir à l’établissement d’une constitution régénératrice, il est nécessaire qu’une assemblée, composée d’hommes les plus notables, les plus éclairés et les plus amis de la chose, se réunisse pour travailler à ce grand œuvre. Je vous désignerai le temps, le lieu où cette assemblée doit se tenir, et la quantité de membres qui doivent y concourir.

Vous me trouverez toujours disposé à seconder toutes les mesures qui auront pour objet le salut commun.

J’ai l’honneur de vous saluer très-cordialement.

Signé : Henry Christophe.