Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/415

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Nous ne nions pas l’efficacité de tels moyens ; mais nous leur demandons seulement, ce qu’eussent gagné toutes ces classes, qui avaient applaudi à la révolution, qui espéraient en elle, à se voir traquer de nouveau ? Et puis, avec quels agents de la force publique on aurait opéré ainsi ? Avec l’armée, sans doute ; alors, il eût fallu rétablir à son préjudice toute la sévérité du code pénal militaire qu’on venait de condamner. Autant eût valu qu’elle fût restée sous le despotisme impérial, si le système du gouvernement ne devait pas changer : de même pour le malheureux cultivateur, le commerçant, l’habitant des villes, le propriétaire évincé.

Toutefois, les deux modes indiqués ci-dessus ont été mis en usage, par trois des chefs les plus influens.

Dans le Nord et l’Artibonite, où les troupes n’avaient pas pris part à la levée de boucliers, où les populations avaient toujours été contenues par le despotisme, H. Christophe réussit par la contrainte ; il ramena le calme… par la terreur qu’il inspirait à ces esprits habitués au joug. Et encore lui fallut-il payer, rationner, habiller les troupes, tenir un langage en particulier où il blâmait la mort de Dessalines, tandis que ses actes publics louaient cet événement, décriaient son administration. Néanmoins, dans l’Artibonite, où il n’atteignait pas immédiatement les troupes, les soldats étaient plus portés à user de leur liberté. C’est ainsi qu’on vit revenir au Port-au-Prince, de leur propre mouvement, tous les jeunes gens de cette ville qui avaient été incorporés dans la 4e demi-brigade, à l’entrée de l’armée indigène, en 1803[1]. Comme militaires, s’ils manquaient à leur devoir en désertant leurs

  1. En ne citant que les principaux d’entre eux, nous désignerons Coutilien et Rancy Coustard, Saladin, Souffrant, Bouzy, F. Thévenin, Constant Domingue,