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dividu toujours porté, par ses passions, à séparer son intérêt particulier de l’intérêt général ; elles seront l’ouvrage d’hommes intègres et éclairés ; elles seront soumises à un examen sévère et à une discussion publique. Ceux qui les auront dictées comme sénateurs, seront forcés d’y obéir comme citoyens. Le peuple n’aura plus à craindre que l’impôt pèse sur lui au-delà de ce qu’exigent les besoins de l’État, parce qu’il aura dans ses représentans des défenseurs d’autant plus intéressés à le garantir à cet égard, que le poids porterait sur eux et leur famille.

C’est par la séparation des pouvoirs, citoyens, que les Américains sont devenus nombreux et florissans dans une progression tellement rapide, que les annales d’aucun peuple n’offrent un pareil exemple.

La séparation des pouvoirs a jeté sur l’Angleterre un éclat que n’ont pu ternir les défauts de son gouvernement.

Nous avons cru devoir vous proposer de composer le Sénat de vingt-quatre membres. Ce corps ne doit pas être trop nombreux, l’expédition des affaires en souffrirait : il doit l’être suffisamment pour que les lois se trouvent conformes, autant que possible, au désir et à la volonté du peuple.

La nomination aux emplois et aux fonctions de l’État, que nous avons attribuée au Sénat, sera toujours un des articles les plus essentiels dans toute constitution. C’est vouloir pervertir l’esprit public, c’est vouloir préparer l’esclavage de ses concitoyens, que de reconnaître au pouvoir exécutif cette importante attribution. Les fonctionnaires publics ne doivent point se considérer comme les créatures d’un individu ; tout doit au contraire leur rappeler qu’ils sont les agents et les délégués du peuple ou de ses représentans. Ainsi donc, en bonne théorie, et dans la pratique de tout gouvernement bien ordonné, le droit de nommer les fonctionnaires publics appartient essentiellement à la puissance législative.

Vous n’avez pas oublié ce que produisit sous Dessalines, cette prérogative de nommer aux places qui fut une de ses usurpations.

L’ambition et la cupidité s’emparèrent de tous les cœurs ; des hommes irréprochables jusqu’alors, consentirent, pour obtenir ou conserver un emploi, à se faire les suppôts et les agents de la tyrannie : d’autres devinrent, à la volonté du tyran, les instrumens de sa férocité.

Tous les chefs, il est vrai, ne ressemblent point à Dessalines ; mais en législation, on compte sur les principes et jamais sur les hommes.