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cet acte, publié au nom de l’armée et du peuple. Sur 68 députés réunis, 53 votèrent en faveur de Christophe, 14 pour le général Romain, et 1 pour Pétion. En conséquence, Henry Christophe fut proclamé Président d’Haïti.

À ce sujet, M. Madiou dit : « Les députés du Sud et de la 2e division de l’Ouest, certains que Christophe n’eût pas accepté la constitution telle qu’elle avait été faite et eût pris les armes contre elle, s’étaient la plupart entendus pour voter en sa faveur, afin que l’occasion de le mettre hors la loi se présentât.[1] »

Cette assertion est hasardée, car ils firent ce à quoi ils étaient obligés par l’acte que nous venons de citer ; et d’autant plus, que la lettre du 19 décembre écrite par Christophe à Pétion, disait « qu’il attendait la constitution avec impatience. » De ce qu’il fut mis ensuite hors la loi, il ne faut pas en conclure qu’on agissait d’avance dans ce dessein ; cette mesure ne fut prise que le 27 janvier, après que le Sénat eût eu connaissance d’une proclamation de Christophe, en date du 14 du même mois[2].

En lisant les actes avec attention et en les conférant entre eux, on doit nécessairement mieux apprécier la conduite tenue par les constituans de 1806. Selon nous, ils n’ont pas eu cette mauvaise foi qui leur serait imputée, si on la jugeait à ce point de vue. Comment pouvaient-ils être certains des dispositions de Christophe ? D’un autre côté, nous croyons avoir prouvé que la limitation extrême des attributions du pouvoir exécutif, la délégation de la dictature au Sénat, n’ont été que le résultat de cette mé-

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 372.
  2. Voyez l’arrêté du Sénat, n° 58, p. 204, dans le Recueil des Actes publié par M. Linstant.