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éprouver la moindre répugnance. Tous enfin, moins Christophe, renonceraient comme par enchantement à leurs idées, à leurs principes d’absolutisme plutôt que monarchiques, en voyant seulement des exemplaires de la constitution au bout des baïonnettes. Et pendant cette marche triomphale, il était probable, sans doute, que Goman et son monde des montagnes de la Grande-Anse, revenus à de meilleurs sentimens, rentreraient dans le devoir.

Voilà à quoi tendaient les opinions de Gérin dans la situation des choses.

Quant à Pétion, un peu moins confiant dans un si beau résultat, il pensait d’abord à une chose essentielle dans tout pays, et surtout dans les circonstances du moment : la réorganisation du gouvernement pour donner une direction unique à la chose publique. Il désirait faire cesser cet état provisoire, sans chef réel, sans direction des finances, autre chose essentielle dans la guerre. Il pensait aussi qu’il était utile de satisfaire la juste ambition de tous les militaires qui avaient pris part à la révolution ; car tous avaient des grades provisoires ou seulement désignés. Pour faire la guerre utilement, il faut organiser son armée, en déterminant la position de chaque officier : l’organisation des départemens, des arrondissemens, de la plupart des communes ou paroisses était à faire selon la constitution[1]. Ensuite, il connaissait trop bien l’esprit de l’Artibonite et du Nord, pour croire aussi facile que le jugeait son collègue, l’occupation de Saint-Marc, de Marchand, des Gonaïves, du Cap et de tout le Nord, à moins

  1. En ce moment-là, Gérin n’avait encore le commandement du Sud et de son armée, du Sud en vertu de la prise d’armes des Cayes ; Pétion n’avait celui de l’Ouest et de son armée, que par la tradition impériale.