Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/88

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Est-ce que ces préventions n’existaient pas aussi dans l’esprit des colons de Saint-Domingue, longtemps avant la révolution de 1789, à l’égard des étrangers, Européens comme eux ? Dans notre 1er livre, nous avons signalé leurs opinions manifestées par Hilliard d’Auberteuil, l’un d’entre eux[1]. Si leur égoïsme les portait à repousser leurs semblables du sol de cette colonie, combien à plus forte raison, notre existence politique nous commandait impérativement des précautions à cet égard ?[2]

Les temps sont changés, sans doute : la plupart des hommes de la race noire dans les colonies des Antilles, jouissent aujourd’hui de la plénitude de leurs droits naturels, à l’ombre des lois de leurs métropoles. C’est à Haïti

    sieurs de nos colonies, de la part des puissances qui les possédaient alors, rien de semblable ne put avoir lieu pour la partie française de l’île de Saint-Domingue, qui n’était au pouvoir d’aucune de ces puissances ; mais elles reconnurent au roi de France le droit de ramener sous son obéissance la population de cette colonie, même par la voie des armes, et l’engagement fut pris par elles de n’y point mettre obstacle, sous la réserve néanmoins que leurs sujets pourraient continuer à faire le commerce dans les ports de l’île, qui ne seraient ni occupés ni attaqués par les troupes françaises.

    « Telles furent les conditions, tant patentes que secrètes, mises à cette époque au rétablissement des droits de la France sur Saint-Domingue…

    « Le gouvernement, avant d’employer la force, dut essayer tous les moyens possibles de ramener a l’obéissance les habitans de l’île. Les diverses tentatives qui furent faites n’aboutirent à rien pendant longtemps…a

    a Même celles qui eurent lieu sous les auspices de la Religion Catholique ! Un Evêque fut nommé et envoyé à Haïti dans ce but. »

    ( Extrait du discours de M. de Villèle, à la chambre des députés, en 1826.)

  1. Voyez le 1er vol. de cet ouvrage, p. 35 et 36.
  2. En parlant de Sierra-Leone, fondé sur les côtes d’Afrique par des Européens philantropes, Henri Grégoire dit dans son ouvrage sur la Littérature des Nègres, page 170 :

    « Un des articles constitutifs de cet établissement exclut les Européens, dont en général on redoute l’influence corruptrice, et n’y admet que les agents de la compagnie. »

    Les Noirs d’Haiti pouvaient donc exclure aussi les blancs de leur société naissante, leur refuser aussi le droit d’être propriétaires. En Turquie, en Angleterre, aucun étranger ne peut être propriétaire.