Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/114

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lui parler avec franchise, ce qui est aussi honorable pour eux tous ; on voit que Lamarre partageait jusqu’à un certain point l’opinion des autres militaires, qui pensaient que le président mettait trop de lenteur, trop de mollesse dans la guerre contre Christophe. Eux tous revenaient sans cesse au souvenir des désastres survenus dans celle entre Rigaud et Toussaint Louverture, en ne faisant pas attention que les deux situations étaient très-différentes. Et dans le moment que ces reproches étaient adressés à Pétion, que d’embarras ne naissaient point sous ses pas ! Mais l’on reconnaît qu’il faisait ce qui dépendait de lui pour renforcer successivement l’armée expéditionnaire, et la ravitailler de toutes manières.

En lui signalant, dans la même lettre, selon sa recommandation, les officiers dont la conduite méritait ses éloges ; en lui apprenant qu’il avait promu provisoirement au grade de chef bataillon, Eveillard aîné et J.-Pierre Aminé, et lui désignant Eveillard jeune comme un brave, ainsi que les chefs de bataillon Aly, de la 9e, et L’Africain, de la 24e, Lamarre lui dit en post-scinptum : « Au moment de fermer ma lettre, une émeute populaire allait éclater. Le général Nicolas Louis (don t il venait de faire l’éloge) qui s’était attiré des griefs de l’armée, en tuant de sa propre main un officier, vient de faire fusiller un homme et passer un autre par les verges. Cette conduite ayant excité des rumeurs violentes dans l’armée, j’ai pris le parti de vous l’envoyer. » Lamarre fut contraint de déployer beaucoup d’énergie pour rétablir l’ordre parmi ses troupes, et il émit un ordre du jour pour menacer du conseil de guerre, tout officier qui s’écarterait à l’avenir de son devoir. Cependant, il transigea avec le sien en ne faisant pas juger Nicolas Louis pour ces