Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/137

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du président, ainsi qu’il venait de le prouver dans la campagne contre Saint-Marc, Pétion voulait démontrer au Nord et à l’Artibonite, qu’un esprit d’égoïsme n’animait pas le gouvernement érigé dans le but d’administrer tout le pays, au point de n’y placer que des hommes de l’Ouest ou du Sud ; il voulait interdire tout reproche que l’esprit de localité eût pu faire à cet égard : cet esprit fut toujours vivace dans le pays.

D’ailleurs, César Thélémaque était un citoyen recommandable par ses qualités personnelles ; son patriotisme l’avait porté, ainsi que les autres députés du Nord et de l’Artibonite à l’assemblée constituante qui restèrent au Port-au-Prince, à sacrifier son bien-être au Cap, à s’éloigner, se séparer de sa famille, pour satisfaire à ses convictions politiques : il était juste que le chef de l’État honorât de si beaux sentimens, en l’appelant à cette haute dignité. Ce vieillard l’honora, à son tour, par la manière dont il remplit ses fonctions.

En réservant Bonnet pour les opérations militaires, le président le mettait à même de conquérir l’opinion de l’armée, à l’exclusion de Gérin qui, toujours boudeur et opposant, n’avait plus droit à la confiance du chef de l’État. En octobre 1807, Yayou n’existait plus ; la conduite de Magloire Ambroise laissait planer sur sa tête des suspicions qu’il justifia deux mois après. Parmi tous les autres généraux, quel était celui qui pouvait être comparé à Bonnet, sous le rapport de l’instruction et des qualités essentielles à la direction politique ? Aucun, sans même en excepter Bazelais et Lamarre. Mieux valait donc laisser Bonnet pour l’armée comme pour le sénat, où il était très-nécessaire à l’achèvement de l’organisation de la République, par les lois qu’il y avait encore à promulguer.