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Quant à Gérin, il se décida à partir immédiatement pour l’Anse-à-Veau où il ne fut aucunement inquiété par Pétion. Mais il paraît que, boudant toujours le président, sa conduite fit naître, sinon des agitations, du moins des craintes ou alarmes dont on voit la mention dans la lettre suivante qui est une réponse de Pétion, et que nous produisons ici par anticipation sur l’ordre chronologique des faits, afin que le lecteur sache la suite de son écart du sénat. Nous n’avons pas sa propre lettre au président.

Port-au-Prince, le 16 février 1809.
A. Pétion, Président d’Haïti, au général de division Gérin.

Votre lettre du 12 de ce mois, citoyen général, vient de m’être remise, et je m’empresse d’y répondre.

Il est vrai que des bruits affligeans ont été répandus ici, et que l’espèce d’alarme qu’ils ont occasionnée, a porté plusieurs citoyens à recourir au gouvernement pour manifester leur inquiétude et chercher des consolations. Ces rumeurs, disait-on, étaient la suite des discours calomnieux annonçant des projets subversifs et capables de porter les derniers coups à la sûreté publique.

Persuadé de la folie d’une telle entreprise, je me suis fait la loi de ne point rechercher ceux qui en étaient présumés les auteurs, ayant toujours eu pour principe, de faire tous les sacrifices personnels possibles pour éviter de rencontrer des coupables.

Je suis loin d’accuser personne. Mais enfin, pouvais-je empêcher le public de se plaindre, lorsqu’il a été instruit qu’on avait tenu des propos dangereux et qu’il a cru être en danger ?

Quant à moi qui suis ou parais être l’objet sur lequel les traits étaient dirigés, je ne discontinuerai pas de me consacrer à remplir la tâche que je me suis imposée. Je ne veux point m’arrêter à l’in-

    à sa droite, l’autre à sa gauche. Pétion les voyant venir, feignit de ne pas les reconnaître ; il demanda aux personnes qui l’entouraient : « Quels sont ces messieurs qui viennent me voir ? — Président, c’est M. Chalumeau et ses deux gendres, lui répondit-on. — Ah ! dit il, c’est bien Jésus-Christ entre les deux larrons ! » Il leur fit bon accueil néanmoins mais ces paroles trop envenimées furent colportées dans le public, et Daumec surtout ne les pardonna pas à Pétion, du moins jusqu’en 1812 : le président eut tort de les prononcer.