Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le costume rouge des guides de Lamarre. Une pièce de canon fut pointée sur le fameux général en chef qui se plut en ce jour néfaste à se faire soldat : idée républicaine qui rehausse son mérite militaire, en immortalisant son nom. Le boulet lancé l’atteignit à la hanche gauche, en enlevant cette partie de son corps : le même projectile tua un soldat du 5e bataillon de la 9e qui était en sentinelle, et l’un des boutons de son habit perça la cuisse de Fortuné Desmares. « C’est fini, prenez-moi,  » dit Lamarre en recevant le coup ; et il rendit le dernier soupir.

Averti de cette catastrophe, l’adjudant-général Éveillard, qui succédait de droit à Lamarre dans le commandement, par son ancienneté, se rendit sur le champ au N° 4 ; il y fît garder le cadavre de son chef, de son ami, jusqu’à la nuit, puis on l’apporta dans sa demeure. L’autopsie en fut faite ; le cœur et les entrailles en furent retirés pour être envoyés au Port-au-Prince, accompagnés par Eveillard jeune, chef de bataillon. Panayoty et Jean Gaspard reçurent à bord du Flambeau, ces parties du corps de l’homme qui a rempli Haïti de son nom illustre. Le corps fut enterré sans pompes et en secret, au cimetière de la Savanne-du-Roi, afin que l’ennemi ne pût le souiller en devenant maître du Môle. Mais on fit un cercueil rempli de pierres qui fut enterré au fort Georges, le lendemain à 7 heures du soir, avec tous les honneurs possibles en une telle circonstance.

Le jour suivant, l’ennemi n’ayant pu douter de la mort de Lamarre, la flotte du Nord parut devant la baie du Môle, se mit en panne et tira le canon de deuil. Dans nos fastes militaires, nul autre que André-Juste-Borno LAMARRE n’a été l’objet d’une pareille distinc-