Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/365

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campagne, s’ingérât à prendre connaissance des ressources et des charges, à mettre la main dans les finances ; mais ces agents avaient leur chef direct qui leur donnait des ordres et auquel ils rendaient compte !

On le voit convenir, « qu’ayant perdu de vue les affaires du pays pendant plusieurs années, » il a pu proposer un plan qui a paru inacceptable aux hommes qui formaient le conseil du président et qui étaient « des personnes expérimentées ; » mais on reconnaît ensuite l’ironie de cet aveu, lorsqu’il dit à Pétion de s’entourer « d’hommes intègres, amis du pays, qui lui donce neraient des avis salutaires, qui lui feraient sentir la nécessité de prendre des mesures vigoureuses. »

L’amour-propre de Rigaud se montra plus irrité, sa présomption se décela encore davantage, lorsqu’il dit à Pétion : « Il vous reste encore beaucoup de ressources ; élevez-vous à la hauteur qu’il convient ; osez prendre ce le parti que les circonstances exigent, et vous sauverez votre pays et vos compatriotes… Il est temps que vous vous montriez aussi grand et aussi ferme que vous avez été jusqu’ici bon et humain. » C’était un langage qu’il eût pu adresser à l’adjudant-général Pétion, du temps de sa toute-puissance dans le Sud ; mais qui était impertinent de la part d’un général s’adressant au Président d’Haïti. Les termes de la colonie, dont il se servit deux fois dans cette lettre, prouvent que Rigaud se croyait encore dans l’exercice de son ancien pouvoir, qu’il confondait les temps et les personnages, et qu’il n’était pas lui-même à la hauteur de la situation nouvelle du pays. Les reproches qu’il fait par rapport au Môle démontrent qu’il s’instituait l’organe de tous les opposans, de tous les factieux de l’époque, au premier