Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/376

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

général de l’État, vouloir établir dans le pays le système fédératif, c’était méconnaître le besoin d’unité politique qui doit toujours en constituer la force ; c’était déroger aux anciennes traditions de ce pays, comme colonie, qui avait suivi la loi ou plutôt l’instinct de l’unité qui a fait la force de sa métropole, pour renouveler en 1810 la faute politique que commit ce même Rigaud, lorsqu’il arrêta l’élan de ses troupes victorieuses au Grand-Goave, prétendant qu’il devait se borner à conserver son commandement dans le Sud[1].

Comment ! le Nord et l’Artibonite se montraient compactes, unis sous une domination absolue, comme en 1799, avec la même férocité de la part de leur chef, et Rigaud pensait mettre le Sud à l’abri de leur invasion, faire le bonheur de sa population, en l’isolant de l’Ouest, en le détachant de l’autorité de Pétion ! Si sa pensée ne fut pas celle d’un mauvais citoyen, elle fut bien celle d’un enfant en politique. Et c’est cet homme, absent du pays depuis dix ans, ne se pénétrant pas de tous les événemens qui s’y étaient passés dans cette période de temps, c’est cet homme qui osa dire à Pétion : « Elevez-vous à la hauteur qu’il convient ; osez prendre le parti que les circonstances exigent ; il est temps que vous vous montriez aussi grand et aussi ferme que vous avez été jusqu’ici bon et humain ! » Si Pétion n’avait pas su toujours prendre le parti que les circonstances exigeaient, Rigaud eût-il trouvé une patrie pour l’accueillir, sa terre natale pour recevoir ses restes, quand arriva sa dernière heure ?

  1. Sous ce rapport, Rigaud ne fut pas aussi conséquent que Toussaint Louverture ; il fallait nécessairement que l’un ou l’autre fût le chef de toute la colonie ; et quand Hédouville autorisa Rigaud à garder le Sud indépendant de son rival, Rigaud aurait dû passer outre et tenter de conquérir la suprême autorité.