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son. Mais Delva lui répondit : « Si vous franchissez la barrière, je vous tuerai. » Il avait, dit-on, deux pistolets à la main. Lamothe Aigron retourna au palais avec les soldats qui l’accompagnaient, pour demander au président s’il fallait arrêter le général Delva, mort ou vif.

Durant le temps qu’il mit pour venir demander cette explication, ce général monta à cheval, précédé de son guide, sortit de sa cour et prit la route à gauche, en passant dans la rue de la Révolution, se dirigeant hors de la ville sur le chemin qui conduit à Léogane. Les soldats de la garde le voyant partir, coururent à sa poursuite vainement ; un sergent lâcha son coup de fusil, et la balle ne l’atteignit pas.[1]

On peut concevoir l’émotion qui eut lieu dans toute la ville du Port-au-Prince, à la nouvelle répandue de proche en proche, — que le général Delva était allé au palais pour tuer le président. Les officiers de tous grades s’y rendirent de toutes parts, beaucoup de citoyens aussi, la plupart armés ; d’autres se précipitèrent sur l’arsenal, armés ou non : on s’attendait à quelque événement, tant le bruit circulait depuis quelques jours sur la conspiration du général Delva.

Quelques hommes, à cheval, le poursuivirent ; le citoyen Beaugé, son ennemi personnel, saisit cette occasion pour prouver son zèle. Ils l’atteignirent sur la route, car il ne se pressait pas. Mais, chaque fois qu’il les voyait s’avancer, il s’arrêtait, leur faisant face, un pistolet à la main : aucun n’osa s’approcher, et ils le laissèrent poursuivre son voyage. Il avait une petite habitation dans les environs du Morne-à-Bateaux : c’est là qu’il passa plusieurs

  1. Ce sergent se nommait Tanis.