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lieu par ordre de Yayou lui-même qui était le commandant principal de l’arrondissement, ayant le colonel Lys sous ses ordres. Les anciennes casernes, qui n’existent plus, touchant au palais du côté nord, la 24e pouvait l’envahir facilement de ce côté et à l’est ; et la 21e gardait l’entrée de la ville au Sud. Àcette époque, la 3e occupait toujours le fort Saint-Joseph, la 11e la ligne du Belair, et la 12e le fort National.

Yayou était logé dans la rue du Centre, à toucher le palais du sénat et la maison qu’occupait Chervain, commissaire des guerre[1]. La veuve de Germain Frère étant devenue la concubine de Yayou, logeait chez lui. Ce général y fut aussitôt entouré de Chervain, son principal conseiller, d’autres factieux de la ville et des officiers supérieurs de la 21e surtout, sur lesquels il comptait le plus : c’étaient le colonel Sanglaou et les chefs de bataillon Jean-Charles Cadet, Romain et Jourdain. S’égarant de plus en plus, ils s’imaginaient que Pétion avait reconnu son impuissance, quand il laissa entrer la 21e et la 24e dans la cour du palais et qu’il maintenait Yayou au commandement de l’arrondissement ; ce dernier se laissa entièrement circonvenir, malgré ses récentes promesses au président. Enfin la conspiration était flagrante dans sa demeure, et personne ne l’ignorait.

Loin de chercher à l’en détourner désormais, Pétion le laissa faire pour qu’il arrivât à des actes qui prouvassent sa coupable entreprise ; mais il employa les soldats

  1. Chervain logeait dans la maison qui fait angle entre la rue du Centre et celle du Port : c’était un homme de couleur du Cap, qui avait été aide de camp de Villate et qui fut déporté avec lui, en 1796. Esprit inquiet, ambitieux, il désirait avoir un haut grade militaire, tandis qu’en sa qualité de commissaire des guerres, il n’était qu’assimilé à celui de chef de bataillon ; par ce motif, il était l’un des plus chauds détracteurs de Pétion et du sénat qui conféraient les grades : de là sa participation à la conspiration de Yayou qu’il égara plus que tout autre.