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puis le départ de l’Utile. Les colons français se trouvaient ainsi abandonnés à la discrétion de l’autorité haïtienne, après une conduite compromettante pour leur sûreté.

La situation où ils s’étaient placés n’eût certainement pas exposé leur vie avec un chef d’État comme Boyer, dont les principes s’inspiraient du droit des gens et des sentimens puisés à la source de l’humanité ; mais il est possible qu’il eût jugé qu’il était de son devoir de ne pas souffrir la présence de ces colons sur la presqu’île de Samana, où ils auraient pu, par la suite, appeler de nouveau des forces françaises. La sûreté de l’indépendance nationale aurait peut-être exigé leur expulsion ; sauf à les indemniser de la perte de leurs propriétés immobilières.

De son côté, l’amiral Jacob dut reconnaître qu’il était de son devoir de ne pas abandonner ses compatriotes ; et, s’exagérant sans doute les dangers qu’ils couraient en présence des troupes haïtiennes, il prit la résolution de pénétrer dans la baie de Samana avec toute sa flottille et les deux navires qui venaient d’en sortir ; il le fit dans la même journée du 19 février. Il adressa aussitôt une lettre au général Toussaint pour lui déclarer qu’il n’était entré dans la baie qu’afin de protéger les colons français, et ce général lui répondit en le sommant d’en sortir, ainsi qu’il avait agi à l’égard du commandant Douault. Mais cet amiral vit accourir auprès de lui les colons, qui le supplièrent de les enlever, ainsi que leurs anciens esclaves, pour les transporter à Porto-Rico.

En même temps Diégo de Lira, ancien commandant de Savana-la-Mar, que le général Toussaint avait laissé à ce poste avec une vingtaine de soldats sous les ordres d’un officier, trahissant la confiance qu’on avait en lui, écrivit à l’amiral que le vœu des habitans de son voisinage et de