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tion vers la fin de février, et ce fut à Saint-Marc même qu’ils prirent cette audacieuse initiative, — dans cette ville qui avait donné le signal de l’insurrection qui contraignit Christophe au suicide, avec le même 8e régiment qui en avait arboré l’étendard ! Tout contribuait à fortifier leur présomptueuse espérance d’y réussir. C’était à cause des sévices exercés contre le colonel Paulin, que ce régiment s’était soulevé. Replacé à sa tête en la même qualité, quand son jeune frère Toby avait passé du grade de sous-lieutenant à celui de général de brigade, Paulin ne pouvait endurer cette situation ; il gagna à son projet des militaires de ce corps et s’imagina que tous suivraient leur exemple. Le meurtre et surtout le pillage étaient l’appât qu’il montrait en perspective, de même que tous ses complices, pour entraîner les soldats et les campagnards[1]

Or, à la mi-février, le général Bonnet quitta Saint-Marc et se rendit au Port-au-Prince pour quelques affaires personnelles : cet arrondissement et tous les quartiers voisins dans l’Artibonite, lui paraissaient en parfaite tranquillité[2]. Il y laissa le général Marc Servant que secondaient, comme adjudans de place, l’adjudant-général Constant Paul et le colonel Saladin. À peine était-il parti, que Marc Servant tomba malade.

Le moment parut propice au colonel Paulin pour son projet. Il se manifesta par des propos tenus publiquement

  1. Paulin était détenu à la citadelle Henry, quand survint la révolution du 8 octobre ; il y avait pris de grosses sommes, en même temps que les généraux du Nord. Cet argent lui servit à gagner ses complices.
  2. Je me trouvais accidentellement à Saint-Marc quand, huit jours avant que la conspiration y éclatât, J.-B. Béranger, revenant de la Petite-Rivière, déclara en ma présence, au général Bonnet, qu’il se tramait une conspiration dont il ne pouvait, à la vérité, nommer les auteurs. Bonnet n’y ajouta pas foi, par ce motif ; et il partit le lendemain, pour le Port-au-Prince. Un vieux noir, oncle de Béranger, lui avait seulement dit de quitter Petite-Rivière et de s’y rendre aussi, parce qu’il se tenait des propos qui n’étaient pas rassurans pour les mulâtres.