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s’affranchir des liens légitimes entre l’homme et la femme, du moins il accompagna cette rupture entre les époux d’assez de formalités pour l’entraver autant que possible[1].

C’est aux tribunaux à les observer rigoureusement, pour influer sur l’esprit des parties et les porter souvent à une réconciliation désirable, dans l’intérêt de leurs enfans et de la société en général.

C’est au progrès de la raison publique à influer aussi sur les mœurs, par l’extension et la diffusion des lumières. C’est, enfin, aux chefs du gouvernement, aux magistrats, aux fonctionnaires de tous les ordres, à tracer au peuple l’exemple salutaire de leur propre conduite.

Mais, à ce sujet, s’il faut louer le président Boyer d’avoir mené à fin l’œuvre entreprise pour le code civil, comme il l’a fait ensuite pour les autres codes ; pourquoi faut-il que l’histoire lui reproche, comme à Pétion, de n’avoir pas tracé à ses concitoyens cet exemple dont nous venons de parler, du respect personnel qu’il leur devait pour la sainteté du mariage ? De même que son illustre prédécesseur, éclairé comme lui, il a répudié ces liens légitimes, pour rester constamment dans un état fâcheux d’irrégularité avec la femme qui fut sa compagne durant vingt-cinq ans[2].


Le code civil était à peine voté le 4 mars par la Chambre des communes, quand, le 14, le Président d’Haïti adressa

  1. Malgré la loi sur le divorce, le code civil ayant considéré le mariage comme un contrat civil, le gouvernement a toujours respecté les scrupules des prêtres catholiques qui refusent la bénédiction nuptiale religieuse aux épous divorcés qui se remarient.
  2. Lors de ma mission en France, en 1838, plusieurs hommes d’État de ce pays me demandèrent s’il était vrai que Boyer ne fût pas marié avec sa femme. Je fus obligé d’avouer ce fait regrettable ; et rendu à Haïti, j’eus la franchise de lui faire savoir ces particularités, en ajoutant que ces personnages ne comprenaient pas qu’il méconnût ainsi la nécessité de tracer un bon exemple à ses concitoyens. Mais il persévéra dans sa fâcheuse résolution.