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malheur de s’embarquer sur un navire qui allait aux États-Unis et qui sombra avec son équipage et ses passagers, dans une tempête qui le surprit aux Débouquemens : on était alors au mois d’août, pendant lequel les ouragans sont si fréquens dans l’archipel des Antilles. L’abbé Jérémie fut plus heureux ; et en janvier 1822, il osa revenir au Cap-Haïtien, où le général Magny le fit mettre aux arrêts provisoirement, en attendant les ordres du Président, qui enjoignit de le contraindre à retourner à l’étranger[1]

Nous croyons nous ressouvenir que c’est au départ de ce dernier, que le Président fit venir de l’Anse-d’Eynaud, dont il desservait la cure, l’abbé Joseph Salgado, homme de couleur natif de Venezuela, qui devint curé du Port-au-Prince où il vécut longtemps. Son caractère patient et modéré, sa charité évangélique, ramenèrent peu à peu le calme dans l’esprit de ses paroissiens, et les sobriquets de Marionnettes et de Gasparites cessèrent pour toujours entre eux.

L’issue de la mission de M. de Glory dut prouver au parti religieux de la Restauration que les Haïtiens étaient à l’abri des embûches dressées sous les auspices de la religion ; et il pouvait reconnaître aussi que le choix de son sujet avait été extrêmement maladroit, puisqu’il envoya à Haïti un prélat imbu des préjugés du régime colonial, qui, dans ses emportemens à propos de son pouvoir spirituel, les faisait sentir aux fonctionnaires contre lesquels il luttait. Pour en donner une idée, nous citerons seulement un mot qu’il

  1. La Concorde du 20 janvier, nº 3. On avait saisi les papiers de cet abbé, qui furent envoyés au Président ; mais il les renvoya pour les lui remettre. Comme il avait confessé le général Richard après sa condamnation à mort, on crut qu’en venant au Cap-Haïtien il avait le dessein de faire fouiller le trésor que Richard y aurait enfoui après le pillage qu’il fit des fonds de Christophe, parce qu’on supposait que ce condamné lui avait indiqué le lieu où il le trouverait.