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qu’il portait certainement à ses concitoyens aurait dû l’éclairer assez pour qu’il prévît, et l’anarchie et le despotisme peut-être sanguinaire qui surviendraient par suite d’une révolution conduite par les hommes qui s’opposaient à son gouvernement ; et ce, malgré eux et leur patriotisme dont on ne peut douter.

D’un autre côté, supposons un instant que la nouvelle législature eût voulu sacrifier les quatre éliminés de 1839, « à l’harmonie des pouvoirs, » il y fût resté encore une vingtaine d’opposans plus jeunes qu’eux, ayant des idées peut-être plus avancées que les leurs. Quand cette phalange eût formulé ensuite les mêmes vœux de réformes et d’améliorations, il est possible que Boyer se serait vu contraint d’y consentir, sous peine de passer pour trop rétrograde aux yeux de la nation. Le Sénat lui-même aurait été forcé de l’y engager, pour ne pas se discréditer complètement. Mais on verra bientôt ce qui se passa à la réunion des nouveaux représentans des communes.

Au moment où cette crise politique allait éclater, Boyer conçut l’idée d’une mesure financière qui eût eu, à notre avis, les plus malheureuses conséquences pour son gouvernement. On avait tant écrit, publié sa pensée sur le système monétaire du pays, on avait adressé tant de mémoires à ce sujet au Président, que, revêtu par la loi du 20 juillet 1841 du pouvoir de prendre toutes les mesures qu’il jugerait convenables pour améliorer ce système, il se décidait à opérer immédiatement le retrait de tout le papier-monnaie (billets de caisse). À cette époque, il y avait environ 3,355,000 gourdes en billets de dix, de deux et d’une gourde, en circulation dans toute la République, et en réserve au trésor général une somme d’environ 800,000 piastres fortes, disponible, parce qu’on venait d’en expédier