Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 11.djvu/205

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tes les mesures propres à satisfaire l’opinion sage et modérée des gens de bien. Afin de l’y encourager encore, il crut que le Sénat était dans l’obligation, à travers les justes louanges que ce corps donnait à son administration, de lui faire entendre des vérités utiles pour ce chef lui-même et pour le pays, mais sous la forme convenable dans l’occurence ; il les consigna dans cette partie du paragraphe où il parlait « des lumières qui distinguaient Boyer parmi ses concitoyens, qui le porteraient à suivre attentivement les progrès de la raison publique, afin de prévenir les besoins sociaux ; en faisant un noble usage de l’initiative que la constitution lui attribuait. » N’était-ce pas dire au Président, qu’il y avait beaucoup à faire pour pallier aux yeux du peuple la violation que le pacte fondamental allait subir, qu’il devait se mettre à la tête des réformes, des améliorations réclamées par l’Opposition[1] ?

Dans la situation où se trouvait le pays, Boyer pouvait et devait apercevoir qu’elle visait à une révolution, et il aurait dû se pénétrer de cette grande vérité exprimée par un homme de génie : « Les révolutions conduites et exécutées par un chef tournent entièrement au profit des masses, tandis qu’au contraire les révolutions faites par les masses ne profitent souvent qu’aux chefs[2]. » L’intérêt

  1. Je ne crois pas que j’ai eu plus de mérite que mes adversaires de cette époque ; je ne prétends pas non plus que j’ai été exempt de préventions à leur égard. Mais, en me ressouvenant que j’ai payé de huit mois d’emprisonnement la rédaction de différens messages du Sénat et les divers écrits politiques que j’ai publiés, je pense qu’il m’est permis aujourd’hui d’exposer les idées et les convictions qui m’ont animé ; le lecteur en jugera. Au reste, j’ai trouvé dans cet emprisonnement, comme dans le long exil que j’ai subi plus tard, une compensation assez large pour que je n’en conserve aucune rancune : l’un et l’autre m’ont appris à réfléchir plus qu’auparavant.
  2. Napoléon 1er a dit aussi : « Dans les révolutions, il y a doux sortes de gens : cens qui les font, et ceus qui en profitent. » Le despotisme brutal a largement profité de celle de 1813.