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En conséquence, le ministre Monge adressa à Polvérel et Sonthonax deux lettres dans le mois de février, pour leur prescrire les mesures à prendre dans ces graves conjonctures. Dans celle du 15, il leur disait :

Je vous ai adressé, citoyens, les instructions que le conseil exécutif m’a chargé de vous transmettre ; il vous a ordonné, au nom de la patrie et de nos lois, de faire toutes les dispositions nécessaires pour repousser les ennemis de notre liberté. Je me repose à cet égard sur votre zèle, sur votre courage, et je ne puis que vous recommander de ne négliger aucun moyen pour assurer à la République française la conservation de Saint-Domingue. Parmi les précautions que l’état des circonstances exige, une des plus importantes est de ne confier la garde des forts qu’à des hommes dont vous soyez parfaitement sûrs. Vous n’ignorez pas qu’il a existé et qu’il existe peut-être encore à Saint-Domingue un parti ennemi de la révolution ; que des émissaires de cette faction liberticide ont été envoyés, sous divers prétextes, à la Jamaïque… Je ne doute pas que les braves citoyens de couleur ne versent jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour la métropole qui leur a rendu l’existence politique dont la tyrannie les avait privés. Vous avez assez gagné leur confiance, ils connaissent assez l’erreur dans laquelle on les avait plongés pour ne pas suivre vos sages conseils, pour ne pas préférer la mort à un joug oppresseur. C’est sur eux surtout que se repose le conseil ; leur intérêt particulier se trouve étroitement lié avec l’intérêt général, et ils ne peuvent l’abandonner sans trahir leur propre cause.

J’approuve donc, ainsi qu’on me l’a assuré, que vous leur ayez donné la garde des forts, après les malheureux événemens du 6 décembre (au Cap). Bientôt, je l’espère, ils participeront aux bienfaits de la nation, comme les autres défenseurs de la patrie[1]… Le conseil exécutif laisse d’ailleurs à votre prudence le choix des moyens que vous croirez propres à augmenter le nombre des défenseurs de Saint-Domingue, ou à lui en créer de nouveaux. Les circonstances et le bien public vous serviront de guides…

Il est une infinité de mesures, de précautions à prendre dans les circonstances actuelles ; le conseil ne peut vous les indiquer, vous les puiserez dans votre sagesse, vous vous concerterez avec ceux dont vous

  1. Par les grades militaires, le commandement. Que le lecteur prenne note de ce paragraphe, par rapport à ce qui sera relaté en 1796.