Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/164

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de courage que devant Brunswick, et il échouera devant des Sonthonax et des Polvérel ! Général Galbaud, mon langage peut vous déplaire ; mais je dois vous parler ainsi. Je veux le salut de mon pays ; il est attaché à cet acte viril et d’équité. Si vous ne le faites pas, ne pensez pas vous en tirer à la convention nationale ou même devant quelque autorité nationale que ce soit, en disant : Mais, les commissaires civils étaient si puissans, ils avaient tant d’autorité ! — et que vouliez-vous que fît un général contre eux ? On vous répondra mille fois : Qu’il les embarquât ou qu’il mourût.


Convenons que si Tanguy Laboissière pécha en quelque chose, ce n’est ni par l’intelligence de la situation, ni par la prévoyance des événemens qui allaient bientôt s’accomplir au Cap et dans tout Saint-Domingue. Ainsi que son prédécesseur, l’abbé Maury, il entrevit avec une rare sagacité le résultat de la lutte désespérée que soutenait le régime colonial aux abois, contre la nature des choses, contre le droit imprescriptible de l’homme, contre la volonté éclairée, alors, de la métropole, contre le patriotisme non moins éclairé de ses agens.

En quoi péchait-il donc ce colon si instruit, au style si lucide, mais au cœur si profondément scélérat ? Par le plus précieux sentiment, celui de la justice ! Il croyait pouvoir fonder le bonheur de la colonie sur la politique, et il n’eût suffi aux colons, pour être vraiment heureux, que d’être justes. Au lieu de songer sans cesse à regorgement de tous les hommes de couleur, que ne se décidaient-ils à reconnaître la légitimité des droits de cette classe, et la nécessité au moins d’un adoucissement au sort des malheureux esclaves, sinon de leur liberté immédiate ?

Voyez, au contraire, comment Tanguy Laboissière, étranger au métier des armes, se creuse l’esprit pour conseiller à Galbaud de s’efforcer de mettre les esclaves ré-