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més des mêmes sentimens d’opposition à l’autorité nationale : ce dernier avait réussi à cacher ses sentimens. Un noir, nommé Joseph, chef des insurgés de sa couleur, écrivit deux lettres à Deneux pour l’engager à s’unir à lui, afin de préserver le Môle de l’esprit des indépendans, en lui faisant observer qu’ils devaient défendre la cause de la révolution. Ses propositions furent rejetées. Dès le mois de décembre 1792, le maire Genton dénonça à Sonthonax la garnison du Môle et l’état-major de la place ; mais entraîné par les événemens du Cap, il ne put y remédier. Lorsque Polvérel quitta cette ville, à la fin de juillet 1793, et qu’il arriva à Plaisance, il acquit la certitude du mauvais esprit du Môle ; il écrivit à Sonthonax : « Si vous ne vous hâtez pas de changer l’esprit de ce quartier, ce sera encore un foyer dangereux de royalisme, d’anglicisme et d’espagnolisme : d’un moment à l’autre, la place du Môle peut être livrée aux ennemis de la république… »

Peu de jours après avoir reçu cet avis de son collègue, au mois d’août, Sonthonax expédia la corvette le Las Casas, pour prendre au Môle des munitions de guerre dont le Cap avait le plus grand besoin. Deneux et la municipalité repoussèrent ce navire à coups de canon et refusèrent de livrer les munitions, sous le prétexte que les commissaires civils avaient enjoint aux commandans militaires, de ne recevoir aucun navire de guerre dans les ports de la colonie. Mais ce subterfuge grossier n’était que pour masquer la trahison déjà méditée par eux ; car cet ordre n’avait été donné, au 24 juin, que par rapport aux navires de guerre partis du Cap avec Galbaud.

En conséquence de ce refus de munitions et de la révolte évidente de Deneux et de ses coopérateurs, le 19