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nègres dans toutes les colonies : en conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la constitution.

Renvoie au comité de salut public, pour lui faire incessamment un rapport sur les mesures à prendre pour l’exécution du présent décret. »


Une remarque à faire au sujet de ce décret, qui vidait définitivement la grande querelle entre les droits de l’homme et les oppresseurs de l’humanité, selon l’expression de Polvérel, c’est que Robespierre fut absolument opposé à cet acte[1]. Cependant, cet homme inconcevable avait fait partie de la société des Amis des noirs. Mais alors, il s’agissait, pour ainsi dire, de continuer l’œuvre de Brissot, fondateur de cette société : Robespierre pensait sans doute que, proclamer la liberté générale des noirs, c’était réprouver la mort de cet infortuné que son envie et sa jalousie avaient conduit à l’échafaud, avec tous ses compagnons qui partageaient ses sentimens à leur égard.

Ceci peut servir à expliquer l’ajournement mis par le comité de salut public à expédier le décret du 16 pluviôse à Saint-Domingue ; mais, en l’expédiant avec celui rendu contre Polvérel et Sonthonax, il aura espéré trouver une compensation dans leur mort, comme complices de Brissot. Qui sait même si Robespierre n’espérait pas alors qu’il parviendrait à faire revenir la convention sur le décret du 16 pluviôse ? Si l’exécution du décret d’accusation contre les commissaires civils fut ajournée aussi long-

  1. Rapport de Gairan, t. 4, p. 581.