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dit au Cap, escorté de ses aides de camp. En entrant dans la ville, la population entière l’accueillit avec les démonstrations de la plus sincère sympathie. Il n’y eut pas seulement que les hommes de couleur, mais les noirs, les blancs, tous éprouvèrent ce sentiment : il était naturel de leur part, Villatte était dans une position malheureuse, dans cette situation qui excite toujours un vif intérêt dans les masses. Cette population se rappelait d’ailleurs que Villatte avait partagé ses peines et ses souffrances, l’avait protégée et défendue contre les ennemis de la République, alors que La veaux était au Port-de-Paix remplissant également son devoir, et que T. Louverture, l’heureux du jour, dirigeait l’ennemi du dehors contre elle. Le commandement de Villatte avait toujours été fort doux pour ses administrés, sans distinction de couleur.

Et puis, n’avons-nous pas constaté des causes réelles de mécontentement, de la part de cette population, contre Laveaux et Perroud ? Les femmes surtout, toujours plus expansives dans leur joie comme dans leur douleur, montrèrent en cette occasion un véritable enthousiasme à la vue de Villatte.

Il y eut conséquemment une foule nombreuse qui se porta auprès de la maison où siégeait l’agence. Dans de telles circonstances, la curiosité seule attire beaucoup de gens, sans qu’on puisse dire qu’il y a attroupement séditieux. Mais la rancune de Laveaux, son amour-propre blessé de ces témoignages de sympathie, le portèrent à un de ces actes qu’on ne saurait trop flétrir, lorsqu’ils sont commis par une autorité supérieure. Se rappelant trop son ancien métier de lieutenant-colonel des dragons d’Orléans, il ne se contenta pas de faire dissiper cette foule, il monta lui-même à cheval, se mit à la tête d’un escadron et char-