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mission. L’autorité militaire prend un nouvel essor sous cette impulsion.

Le premier acte de l’agence est la déportation de Villatte ; le second, une injuste accusation contre la classe entière des hommes de couleur et contre Pinchinat, dont les talens politiques en avaient fait le chef sous ce rapport. Par un raffinement de perverse injustice, cette classe est représentée comme visant — à l’indépendance de la colonie, — à la destruction de la race blanche, — à l’asservissement des noirs. Cette odieuse imputation est calculée pour la faire honnir de tous les Européens, pour exciter contre elle l’animadversion des noirs : elle est le fruit de la conception d’un système qui tend à reconstituer l’influence et la prépondérance de la race blanche à Saint-Domingue, que Sonthonax surtout avait détruites dans sa première mission. Ce système préconçu est dans ses instructions émanées du Directoire exécutif, égaré par le gouverneur général et H. Perroud ; il entre dans les vues de la faction coloniale qu’on veut favoriser, quoique la plupart des colons soient à ce moment soumis aux Anglais.

En cherchant ainsi à détruire le prestige et l’influence de la classe la plus éclairée de la population noire, on doit inévitablement arriver à la réaction projetée contre les nouveaux libres, et Sonthonax qui les aime est aveuglé par ses passions ; il n’aperçoit pas ce résultat dans l’avenir.

Cependant, l’accusation portée contre Pinchinat et ses frères, l’ordre d’arrestation lancé contre lui et Lefranc, provoquent dans la province du Sud une résistance énergique de la part de la population : le sang coule, par la faute et l’injustice de l’agence qui y envoie, pour exécuter ses ordres arbitraires, des délégués perfides et un sabreur brutal, qui excitent encore la résistance par l’immoralité